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10 novembre 2006 5 10 /11 /novembre /2006 09:50

 

Dans cette introduction, nous tenterons de définir le sujet de notre thèse, en

circonscrivant son champ qui se limite aux contrats préparatoires ; un exposé des différentes problématiques  liées à la cession directe de l’entreprise et à la « crise de la gestion publique » nous permettra de le justifier, avant de voir l’intérêt théorique et pratique  de l’étude qui sera déclinée en trois phases.

 

La notion de contrats préparatoires à la cession d’entreprise renvoie à un triptyque polysémique dont l’association et la mise en adéquation constituent l’objet même du présent travail qui a pour cadre principal la France et accessoirement, dans la mesure du matériau à notre disposition, quelques pays francophones de l’Afrique de l’ouest ( La Côte-d ’ivoire, le Sénégal et la Mauritanie ).

Ce choix se justifie par l’unité des systèmes juridiques de ces pays avec celui de la France qui ne s’en détache que par ses innovations jurisprudentielles et législatives régulières.

Un examen des termes de ce triptyque s’impose donc avant toute analyse globale du sujet ; cet examen passe, pour une meilleure compréhension, par la définition des termes « entreprise », « cession» et « contrats préparatoires ».

 

- Par entreprise[1]  nous entendons toute unité économique organisée en vue d’assurer une activité de production, de distribution, de transport ou de prestations de services.

L’activité de l’entreprise se réalise donc autour de moyens humains et matériels, suivant un schéma d’organisation cohérent qui crée des rapports de hiérarchie, de pouvoirs, de compétence et d’intérêts.

L’activité de l’entreprise peut être à caractère civil ou commercial, industriel ou artisanal, privé ou public.

Si les rapports entre les membres de la communauté humaine au sein de l’entreprise sont organisés par des textes qui définissent leurs statuts, l’entreprise, elle, peut ne pas avoir de personnalité morale et être complètement transparente d’un point de vue purement juridique.

Il en est ainsi des entreprises individuelles qui font corps avec la personne du chef d’entreprise et intègrent son patrimoine.

Le même raisonnement, dans le secteur public, peut être avancé pour ce qui concerne les unités économiques sans personnalité morale, avec ou sans autonomie financière, telles les régies : elles constituent des entreprises à part entière, au même titre que les établissements publics et les entreprises publiques organisées en société.

Les formes et dimensions des entreprises sont donc aussi diverses que variées.

Ainsi selon une jurisprudence du 3 mai 1988 de la Cour de cassation française[2], peut-être assimilée à une entreprise toute unité économique susceptible de fonctionner en « exploitation autonome ».

Le fonds de commerce dont la structure répond bien à la notion « d’exploitation autonome » est considéré comme une entreprise à part entière.

L’activité est donc singulièrement l’un des éléments les plus significatifs dans la définition de l’entreprise : la survie de l’activité signifie alors celle de l’entreprise.

La loi du 25 janvier 1985 sur les cessions d’entreprises en difficulté, en se fixant pour objectif la survie de l’entreprise, avec ou sans ses anciens dirigeants, a consacré légalement le statut de l’entreprise et lié son existence à celle de l’activité.

Les opérations de restructuration en général aboutissent donc, soit au maintien de l’activité par changement du mode de gestion (contrats préparatoires), accroissement ou diminution du volume de l’entreprise (fusion- acquisition ou scission), soit par disparition de l’activité qui entraîne celle de l’entreprise.

- La notion de cession d’entreprise est donc tributaire de celle de l’activité qui reste un dénominateur commun à toutes les entreprises.

Toutefois, l’usage du terme « cession » admis sans grandes difficultés avec la notion flexible d’entreprise- plus économique que juridique- paraît moins évident en ce qui concerne les entreprises organisées en sociétés.

Personne morale et sujet de droit, la société ne peut être cédée comme un bien : elle est propriétaire de ses biens et les associés ne possèdent que les titres sociaux dont ils tirent certains droits.

Selon la forme des sociétés en présence, la « cession » devrait s’entendre du contrôle par l’acquéreur ou cessionnaire de la majorité absolue ou qualifiée du capital qui lui permet de conduire et d’orienter la politique de la société.

La cession des entreprises organisées en sociétés est alors appelée « cession de contrôle ».

Toutefois, par le jeu de démembrements, l’actif de la société (fonds de commerce, immeubles et contrats) peut être entièrement ou en partie cédé comme le serait un bien quelconque ou une entreprise sans personnalité morale.

La société devient alors une société de portefeuille ou disparaît faute d’activité ou d’objet.

Une approche plus restreinte de la notion de cession d’entreprise est celle défendue par une certaine doctrine qui la réserve aux seules transmissions d’entreprises à titre onéreux : ne seraient donc pas des cessions d’entreprises les transmissions à titre gratuit.

Cette restriction nous semble hasardeuse et elle ne coïncide pas avec notre approche qui se veut globalisante.

Nous entendons en effet projeter le faisceau de nos investigations aussi bien aux cessions à titre onéreux ou gratuit, mais également, aux cessions dans le domaine privé que dans le domaine public communément appelées privatisations.

Pour cette dernière catégorie de cession, il convient d’emblée d’être clair : il faut distinguer entre privatisation effective (celle du capital) et privatisation de la gestion (qui fait intervenir des cocontractants de l’Etat) ; la cession ne s’accorde alors qu’à la première notion.

Le cadre de la cession d’entreprise ainsi campé, il convient d’examiner maintenant le sens des contrats préparatoires en général et leur application en particulier à la présente étude. 

 

- Les contrats préparatoires, indépendamment de la notion de cession d’entreprise, ont donné lieu à une abondante littérature juridique mettant en scène des auteurs qui ont chacun essayé d’en dessiner les contours, sans réussir à élaborer une catégorie commune et homogène.

Fortes de la théorie civiliste de l’autonomie de la volonté[3], l’imagination et la créativité des parties contractantes se sont révélé des plus fécondes et ont donné lieu, en matière de droit civil, à une multitude de « contrats conjonctifs ».

Parmi ces contrats, les auteurs ont mis en évidence « l’accord de principe », « le pacte de préférence », « le contrat- cadre », « les accords partiels » et « les promesses de contrat »[4] ; ils restent cependant divisés sur l’étendue du domaine des contrats préparatoires.

Pour notre part, tout en reconnaissant la fonction de chacune des espèces ou catégories énumérées, nous nous garderons de les traiter de façon abstraite en les soustrayant de  l’objectif de cession dont il est question dans cette étude. 

Cette précaution prise, il importe de noter que parmi toutes ces espèces énumérées, une seule correspond à la notion de contrat préparatoire, telle que nous l’entendons: le contrat- cadre.

Au contraire du pacte de préférence, des promesses de contrat, des accords partiels et de l’accord de principe qui peuvent se limiter à une simple clause et ne produire d’effets dynamiques sur la gestion directe de l’entreprise qu’à la réalisation des conditions préalablement définies par les parties, le contrat- cadre induit une modification des rapports juridiques qui produit des effets immédiats et favorise la réalisation de l’objectif projeté.

De plus, dans le contrat- cadre, peuvent figurer notamment des clauses de promesse de vente ou de préemption, espèces classées dans la catégorie des avant-contrats[5].

Les effets de ces avant-contrats ne commencent à se manifester qu’à la levée d’option, dans le premier cas de figure, ou à la mise en œuvre du droit de préférence, dans le second cas de figure.

Quand ils ont pour objet la transmission d’entreprise, leur existence est difficilement envisageable hors l’espace d’un contrat- cadre dont ils ne sont souvent qu’un élément- certes fondamental- participant à la réalisation de l’objectif préconçu ou non de cession.

Même s’ils font l’objet d’un acte séparé, l’objectif de cession qu’ils visent les placent dans une harmonie quasi-parfaite avec l’économie générale du contrat-cadre autour duquel ils gravitent, renforçant ainsi le projet de cession qu’il peut porter.

De ce fait, leur étude ne se fera pas en dehors de l’environnement du contrat-cadre.

Quant aux accords partiels et à l’accord de principe, ils interviennent avec ou sans contrat-cadre, précédant de peu la cession proprement dite : ils constituent une étape des pourparlers appelée « punctation », selon la terminologie allemande.

Les contours juridiques de ces notions restent encore mal définis et leur effet peut juste se limiter à un engagement : celui de « nouer la négociation » et de la « mener de bonne foi »[6].

En raison du flou qui les entoure et des effets incertains qui en résultent, nous écarterons la punctation ainsi que les différentes phases des pourparlers de la catégorie des contrats préparatoires.

Il ne reste plus alors qu’à préciser la singularité du contrat-cadre qui en ferait un contrat préparatoire ; il semble qu’il faille se référer à la nature du cadre qu’il promeut et aux effets qui en résultent.

Selon une étude de l’institut du droit comparé réalisée sous la direction de M. A. SAYAG, « Ce contrat (le contrat-cadre) donne un cadre, en ce sens qu’il semble à la fois incomplet et contraignant : cadre, parce qu’il laisse une marge de négociation certaine dans la suite des relations des parties et qu’il ne suffit donc pas, à lui seul, à réaliser l’objet de l’opération prise dans son ensemble… »[7].

Pour nous, ce cadre s’adossera essentiellement sur le transfert temporaire du contrôle d’une entreprise par voie contractuelle.   

A ce titre, plusieurs types de contrats peuvent être utilisés.

Avant de les nommer, il convient de souligner qu’ils permettent tous d’opérer le transfert stratégique et/ou opérationnel d’une entreprise sous contrôle d’une personne privée ou publique au profit d’une autre personne privée et contiennent ou non des clauses de promesses de vente ou d’achat, des clauses ou pactes de préférence ou même emportent transfert de droits réels ; le transfert du contrôle de l’entreprise est fait à titre onéreux ou gratuit, pour une période plus ou moins longue qui pourrait déboucher sur une transmission universelle de patrimoine.

Pour caractériser un contrat-cadre constitutif d’un contrat préparatoire, point n’est besoin de convoquer tous les éléments cités dans cette définition.

L’existence d’une promesse de vente ou d’une clause de préemption est certes un indice de taille pour juger des projets déclarés ou non des parties ; toutefois, il n’est pas indispensable qu’une telle stipulation soit inscrite.

En effet, le transfert de jouissance d’une entreprise doublé de celui de certaines responsabilités, avec parfois le paiement de loyers ou redevances exorbitants suffit pour caractériser ou présumer de l’existence d’un contrat préparatoire.

Cette présomption à laquelle a recours souvent l’administration fiscale qui peut voir dans le coût exorbitant des redevances une vente déguisée est renforcée en pratique par le fait que le transfert de jouissance d’une entreprise,- au-delà des raisons commerciales ou personnelles propres à la personne du cédant- est susceptible de procurer au cessionnaire (locataire ou gestionnaire) une bonne connaissance de l’entreprise louée ou gérée. Le capital d’informations qu’il en retire et l’expérience qu’il acquiert au cours de cette période le placent souvent dans une position de meilleur candidat à la reprise.

Il en résulte que le contrat préparatoire est suffisamment caractérisé, même en l’absence des clauses de promesses de vente et/ou d’achat et de pacte de préférence.

Le cadre institué par les contrats préparatoires se déploie donc essentiellement sur le mécanisme suivant : un transfert stratégique et/ou opérationnel temporaire du contrôle d’une entreprise publique ou privée au profit d’une autre entreprise privée ou publique, avec dans ce dernier cas, la condition que l’entreprise publique utilise un mode de gestion privée[8].

Le recours au mode de gestion privée n’est pas en soi, même dans un cadre contractuel, suffisant pour caractériser un contrat préparatoire : il en est ainsi des « contrats économiques » conclus entre l’Etat et les entreprises publiques, qui n’opèrent pas un transfert temporaire du contrôle d’une entreprise mais n’en continuent pas moins d’imprimer de la rationalité privée à l’entreprise signataire, sans être classables parmi les contrats préparatoires.

Il s’agit en l’occurrence des contrats dits de plan, de programme, d’entreprise et d’objectifs qui sont éminemment financiers. 

Nous verrons le rôle joué par ces contrats initiés en France à la fin des années soixante et qui ont été adoptés en Afrique francophone, produisant des résultats assez différents[9] sur les futures privatisations des entreprises publiques (cas de la Mauritanie , du Sénégal et de la France ).

  

 

   

 

Avant de définir le champ des contrats préparatoires dont les bases ont été jetées, il convient d’abord de souligner l’intérêt de leur étude qui trouve principalement sa justification dans les obstacles d’ordre juridique et fiscal qui entravent les cessions (directes) d’entreprises privées de plus en plus nombreuses et dont une grande part est liée au départ massif à la retraite de la génération des trente glorieuses qui passe le témoin.

Un autre intérêt réside dans la nécessité de parer aux conséquences de ce qu’on appelle communément la crise de la gestion publique qui a vu se multiplier dans le monde entier des opérations de privatisations, avec parfois des conséquences désastreuses.   

 

 

S’agissant des difficultés posées par la cession directe sur le terrain juridique (fonds de commerce ou entreprise individuelle), elles se tiennent à deux hypothèses : quand la vente n’est pas au comptant ou quand les créanciers de l’acquéreur requièrent la solidarité du vendeur.

 Quand la vente n’est pas au comptant, le cédant ne dispose que d’une garantie de droit commun : le privilège du vendeur. Cette garantie ne peut être exercée contre les éléments du fonds que suivant un certain ordre : les marchandises, le matériel et puis les éléments incorporels.

Il en résulte que pour éviter la divisibilité de la garantie, le cédant devra veiller à obtenir le nantissement du fonds. Ce faisant, il prive l’acquéreur du fonds d’un instrument essentiel lui permettant de garantir ses crédits auprès de ses financiers : le fonds.

Outre le mécanisme du nantissement, le cédant peut user de l’action résolutoire pour annuler le contrat : cette solution n’est pas viable si l’on tient compte du fait que la valeur du fonds a pu se déprécier pendant son passage entre les mains de l’acquéreur défaillant ou insolvable. Des dommages et intérêts pourraient être versés au cédant pour compenser cette dépréciation.

Les difficultés liées à la cession directe ne se limitent pas seulement au problème du recouvrement du prix par le cédant.           

 Quand la cession est faite au comptant, le cédant n’est pas toujours à l’abri de l’appel en garantie pour le paiement des loyers dont l’acquéreur et le cédant sont débiteurs solidaires.

Même en cas d’inscription d’un nantissement sur le fonds (15 jours maximum après la cession du fonds), les loyers qui sont des accessoires du fonds ne sont pas inclus dans la garantie qui porte seulement sur le matériel et les éléments incorporels du fonds.

 

Ces difficultés d’ordre juridique sont doublées d’autres à caractère fiscal.

En matière fiscale, la cession d’entreprise donne lieu à une double imposition à la fois du cédant et de l’acquéreur : le premier doit payer l’impôt sur les plus-values de cession (qui porte sur les éléments d’actifs) et le second les droits d’enregistrement (mutation à titre onéreux ou gratuit) et la TVA qui porte sur les stocks et autres biens.

L’imposition sur les plus-values des éléments d’actifs atteignait en France un taux effectif moyen de 26%.

La loi de finances 2004 institue désormais un taux unique de 26% qui s’applique à tous les particuliers qui réalisent des plus-values en matière de cession d’immeubles, de meubles ou de parts de sociétés à prépondérance immobilière.

S’agissant des droits d’enregistrement que doit payer l’acquéreur de l’entreprise (fonds de commerce et/ou immeubles), ils furent longtemps prohibitifs au point d’entraîner des simulations et autres fraudes à la loi qui ont été décriées par une abondante critique qui a conduit principalement à la décrue des droits portant sur l’acquisition du fonds de commerce. Les droits sur les cessions de fonds de commerce en France sont ainsi passés de  14.20% en sus des charges éventuelles à 4.8%[10] ; les immeubles eux restent soumis à un droit d’enregistrement d’environ 19%, en sus des charges.

S’agissant des droits de transmission à titre gratuit (donation et succession), ils peuvent aller de 5% à partir d’un montant plancher de 7600 euros à 40% pour des mutations entre parents en ligne directe ou entre époux, et jusqu’à 60%  entre parents au-delà du 4e degré et entre personnes non parentes (art. 777 du CGI).

Toutefois, il convient de souligner certains progrès réalisés en faveur de la transmission des entreprises familiales qui empruntent habituellement les techniques de la donation[11] (sous toutes ses formes) ou du droit des successions.

Il va de soi que la baisse du droit d’enregistrement en matière de cession de fonds de commerce ainsi que les nouveaux avantages fiscaux conçus pour faciliter la transmission des entreprises familiales ne seront pas sans effet sur le mouvement en cours de départ à la retraite de nombre d’entrepreneurs français.

Ce départ massif et non préparé des seniors ainsi que les conséquences graves qui en résultent pour l’avenir des « entreprises patrimoniales » et celui de milliers de salariés[12]  donnent un relief particulier à cette étude qui y trouve une justification supplémentaire.

Cette justification se trouve renforcée aujourd’hui, car le monde de l’entreprise a semble-t-il pris conscience de l’intérêt qu’il y a à préparer la transmission (d’entreprise) et l’approche par le droit des contrats préparatoires n’est pas inintéressante, loin s’en faut.

L’actualité du débat et la prise de conscience du phénomène sont soulignées dans le rapport du congrès des experts comptables de France du mois d’août 2003 : « 76% des dirigeants planifient de céder leur entreprise à plus ou moins long terme, les autres n’y pensant pas encore » alors que « 24% envisagent de céder ou vendre dans les 5 prochaines années ».

L’étude nous apprend par ailleurs que « auprès des chefs d’entreprise âgés de 50 ans et plus, c’est la moitié (49%) qui planifie de céder dans ce court terme »[13]. 

Une conséquence peut-être de la sensibilisation menée ces deux dernières décennies en France autour des problèmes de cession d’entreprise : 65% des futurs cédants disent aborder sereinement la cession tandis que 34% l’envisagent avec inquiétude.

Malgré cette relative évolution par rapport aux incertitudes liées à la cession, on ne doit pas prendre pour insignifiant le chiffre de 34% qui appréhendent mal la cession et encore moins l’information capitale fournie par cette étude : si les projets de cession à longue échéance préparent souvent une retraite bien méritée, les cessions à court terme sont le plus souvent motivées par la conjoncture économique.

Il en résulte à notre sens que la cession devrait être envisagée durant toute la durée de vie de l’entreprise : ce serait la seule réponse à la conjoncture économique qui peut se présenter aussi bien sous la forme d’une opportunité que celle d’un aléa.

Il va de soi que l’ensemble de la problématique autour des contrats préparatoires n’intéresse pas directement les pays africains francophones partie intégrante de cette étude ; c’est le cas notamment du mouvement de transmission des entreprises patrimoniales propre à la France.

En Afrique, la vague de cessions affecte surtout les entreprises du secteur public longtemps omnipotent et plus que jamais confronté à une crise aiguë de gestion.

Pour des considérations d’opportunité et de souveraineté, les Etats ont entrepris, à travers les différents programmes d’ajustement structurel promus par les institutions de Breton Wood, de déléguer la gestion de ces entreprises par le biais de contrats qui leur permettent de garder leurs droits de propriétaires.

Toute une stratégie semble se dessiner dans la pratique de ces contrats longtemps expérimentés sous d’autres horizons, mais ici destinés vraisemblablement à initier à la gestion privée et à restructurer un nombre important de « canards boiteux ».

Derrière leur fonction restructurante (les comptes des entreprises publiques africaines ne sont pas des plus sains), les contrats de délégation posent bien un autre problème : celui de l’efficacité de la gestion publique qui alimente par ricochet le débat sur le maintien ou non des entreprises de service public. 

 

     

Sur le plan théorique, la présente étude permet, je l’espère, de renouveler le débat sur la cession d’entreprise- en l’abordant suivant une approche inédite (contrats préparatoires), vaste (cession des entreprises publiques et privées) et synthétique (esquisse d’un régime général des contrats préparatoires)- et accessoirement, de repousser les limites des règles qui gouvernent le patrimoine des personnes, le service public et le domaine public.

 

 

 Dans le cadre des études traditionnellement consacrées à la cession d’entreprise, les contrats préparatoires ne sont abordés généralement qu’à titre accessoire et rarement de façon approfondie.

La cession directe de l’entreprise marquée par ses préoccupations immédiates semble avoir pris le pas sur le souci de la prévision, hors, il est vrai, le cadre familial, champ de prédilection, s’il en est, des contrats préparatoires et qui concentre l’attention des auteurs.

Les techniques d’évaluation du patrimoine, les méthodes de transmission du droit des sociétés, de la famille et fiscal ainsi que les garanties environnementales et financières (garantie du passif,..) semblent être les principales préoccupations de ces auteurs.

Ainsi, parmi la huitaine de contrats que nous avons identifiés, un à deux semblent avoir été répertoriés[14], grâce aux clauses de promesses de vente ou d’achat qu’ils contiennent ou peuvent contenir, comme étant susceptibles de favoriser ou préparer la cession d’entreprise ; le reste est ignoré ou accepté du bout des lèvres[15].  

Le champ des contrats préparatoires est en effet plus large et il se déploie, d’après la définition que nous en avons donnée, d’une part à quelques contrats appartenant à des catégories juridiques différentes ou non reconnues encore par le droit positif français, quoique consacrées par la jurisprudence et la doctrine et, d’autre part, à des contrats propres au secteur public.

L’ambition de cette thèse est donc de consacrer une nouvelle catégorie de contrats qui transcende le clivage privé-public, en ayant pour seule visée d’identifier les contrats susceptibles de préparer la cession d’entreprise- quelle que soit sa forme (privée ou publique).

En effet, si les nécessités de succession familiale, de sauvegarde d’une entreprise en difficulté, de réalisation d’une opération de conquête d’un marché ou de redéploiement par délocalisation…conduisent aux cessions d’entreprises dans le secteur privé, les entreprises publiques ne sont pas non plus à l’abri des contingences liées aux politiques économiques et financières qui préconisent, à défaut de transferts de propriétés au profit des opérateurs privés, au moins l’adoption de la rationalité privée dans la gestion des entreprises publiques.       

Cette unité de but ouvre donc la voie à la recherche d’éléments de convergence et de divergence entre les cessions dans le cadre public et privé ; l’objectif étant d’aboutir à une unité des contrats préparatoires à la cession d’entreprise.

Le débat sur la mise en évidence d’une catégorie contractuelle ne fera pas l’impasse sur les autres questions saillantes relatives à l’objet et au champ dans lequel se déploie une partie des entreprises que nous étudions : le service public et le domaine public qui sont souvent présentés en France comme des champs inexpugnables des monopoles et autres exclusivités publiques.

Rappelons que la notion de service public (sens organique) rentre dans le champ de définition du domaine public (tout bien –ou entreprise !- affecté à un service public) qui lui-même est gouverné par les principes d’imprescribilité et d’incessibilité qui s’opposent théoriquement à toute idée de cession ou de privatisation des entreprises de service public.

Ce débat intéresse aussi bien la France , grand défenseur de son modèle de service public auprès de ses partenaires européens que les Etats qui se sont inspirés d’elle du fait de son influence historique qu’elle continue à exercer sur eux, même après leur accession à l’indépendance.

Ces Etats avaient, jusqu’au début des années 80, point de départ des privatisations, le gros de leur économie sous contrôle public.  

Une autre question soulevée par cette étude tient au fait qu’elle introduit, en raison de certains contrats qu’elle présente (notamment la fiducie ou fidéicommis), le débat sur le principe de l’unité du patrimoine et son pendant : sa transmission universelle.

Bien que non reconnue en droit français du fait de sa non-conformité supposée avec la règle de l’unicité du patrimoine, ce contrat (la fiducie) ne tranche pas pour autant avec d’autres institutions du droit commercial, maritime, de la famille et des successions qui semblent consacrer des cas de dualité de patrimoines aux mains d’une seule personne.

Il s’agit d’abord, en l’occurrence, des situations découlant de l’ouverture d’une succession ou consécutives à une dissolution d’EURL, qui permettent le maintien artificiel du patrimoine du de cujus hors de portée des créanciers personnels de l’héritier (art. 878 code civil) ou celui de l’EURL dissoute, suite à l’opposition formulée par ses créanciers.

Si le désintéressement des créanciers respectifs du de cujus et de l’EURL peut justifier « cette exception » à la règle de l’unicité du patrimoine, la non-liquidation du patrimoine de l’EURL et sa transmission universelle dans le patrimoine de l’associé unique (article 1844-5 du code civil), consécutivement à sa dissolution, donnent un relief particulier à la question.

Faut-il rappeler que du fait de sa portée très large, la transmission universelle de patrimoine, quoique admise depuis 1946 par la cour de cassation française a un domaine légal[16] et jurisprudentiel assigné aux seules fusions et acquisitions et à l’apport partiel d’actif ?

Il s’agit ensuite, de façon plus nette, de la césure faite en droit maritime entre la fortune de mer et la « fortune de terre » s’agissant du patrimoine de l’armateur, pour limiter sa responsabilité, et du statut des biens communs en matière matrimoniale, par rapport aux patrimoines de chacun des époux.

En droit maritime, l’armateur bénéficie en e

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